mercredi 6 août 2014

Nation, Peuple, Fédéralisme

Texte: Onil Perrier     
Date: 28 juillet  2014


NATION,  PEUPLE,  FÉDÉRALISME



 Au milieu du débat toujours actuel sur l'avenir du Québec, il m'apparaît fort souhaitable que les Québécois s'entendent sur le sens qu'ils donnent à certains termes tels que nation, peuple, fédéralisme etc. Il serait très souhaitable aussi que les Canadiens anglais s'ouvrent à cette vision des choses.

            Il faut recourir d'abord à l'étymologie des mots; distinguer le sens sociologique ou politique des termes, comme aussi leur sens en anglais et en français.

            Les définitions proposées ici ne cadrent pas avec la rectitude politique. Car une grande partie du problème provient du flou entretenu plus ou moins volontairement autour de ces concepts par les fédéralistes et par les médias.

            Comme dans tout discussion, il faut s'entendre d'abord sur le sens des mots.  Et comme Québécois, il ne faut pas craindre de donner à certains mots la charge affective qu'ils portent.

            Même si nous devons adhérer au "français universel" (et j'en suis), les usages qu'on fait de certains de ces termes en Europe ne sont pas toujours adaptés à nos réalités. Raison de plus pour nous entendre sur le sens que nous donnons à ces réalités.

            Le sens donné à chaque mot l'est donc dans une perspective québécoise. Nos "partenaires canadiens" nous reconnaissent maintenant un certaine existence collective, mais celle-ci n'est que symbolique pour eux.  Nous devons nous nommer nous-mêmes, mettre de l'avant notre propre vision des choses, notre manière de nommer la réalité, même si cela leur apparait du "wishfull thinking"... C'est ce que font les Amérindiens qui ont joué habilement, depuis 30 ans, sur les sens français et anglais du mot nation!


                                    LE MOT QUI FAIT PEUR :  LA NATION

            Commençons par définir le mot " NATION ". Il vient du latin NATIO, substantif du verbe "nascor", naître. Il désigne tout groupe de gens qui sont liés par leur naissance, qui vivent sur un même territoire, qui ont appris le même langage, qui ont hérité de la même culture, qui ont vécu la même histoire et qui souvent professent la même religion. C'est un groupe formé spontanément, de nature communautaire; un groupe qui, en devenant plus nombreux, va aspirer à la plus grande liberté politique possible pour s'épanouir.

            Le problème avec ce mot, c'est que depuis deux siècles, plusieurs pays ont adopté le concept d'état-nation, et que sous l'influence des Anglo-Américains, on l'a employé pour désigner les entités juridiques que sont les "états indépendants", par ex. quand on a créé la Société des Nations en 1918 et plus récemment l'Organisation des Nations-Unies. On aurait dû parler alors de "pays-unis” ou d'états souverains. En même temps,les grands pays comnme la France, l'Allemagne, l'Angleterre et surtout les États-Unis, ont tenté de faire disparaître l'idée qu'un même pays puisse comprendre plus d'une nation.

            À l'origine, le mot nation s'appliquait à n'importe groupe humain différent de ses voisins : c'est le cas dans la Bible, par exemple. Et c'est ainsi que les explorateurs français des 17e et 18e s. ont appelé "nations" les nombreux groupes autochtones qu'ils rencontraient en Amérique. On a cité avec raison l'emploi que Champlain a fait du mot quand il a rencontré 60 Amérindiens  différents des autres sur l'Outaouais et qu'il les a appelés la “Petite Nation.”  Et quand René Lévesque a reconnu les onze "nations" amérindiennes du Québec, en 1984, ii le faisait logiquement, en parfaite continuité avec le sens français du terme. Même si ces groupes ne comptaient que 500 à 10 000 membres.

            Au Canada, le problème vient de ce que les Anglo-Canadiens ne sont pas capables (ou ne veulent pas) s'imaginer qu'il y a plusieurs “nations” dans cet immense territoire qu'est le Canada. Jusqu'en 1982, il y avait au moins une certaine élite parmi eux qui acceptait l'idée des “deux peuples fondateurs” mais P.-E. Trudeau a réussi à effacer complètement cette idée.  Pour ceux qui parlent anglais, il n'y a maintenant qu'une seule nation et tous les autres ne sont que des groupes ethniques qui doivent s'intégrer à eux. Amérindiens, Québécois et Acadiens, tous doivent apprendre l'anglais et disparaître comme groupes. 

            Malheureusement, certains Québécois sont tombés dans le panneau : ils sont prêts à renoncer au mot nation pour nous désigner. Mais si nous y renonçons, quel terme emploierons-nous désormais ?  Le mot "tribu"? Nous donnerions raison à Trudeau et à ses amis!

            Ne craignons pas de l'affirmer haut et fort : les Québécois de souche forment une NATION bien caractérisée, au plan sociologique et au sens français. Les Communes ont vaguement reconnu cette réalité évidente en 2006, mais en prenant bien soin de préciser que ça ne voulait rien dire, que cela ne justifiait aucun droit additionnel au Québec comme gouvernement 'national”. Précisons de notre côté que nous formons une vraie nation et que celle-ci est ouverte, non-exclusive et civique. Nous avons intégré et intégrons encore volontiers les immigrants qui arrivent et veulent se joindre à nous.

            C'est avec raison que nous avons notre Assemblée nationale, notre Fête nationale, notre drapeau national, nos Archives nationales, notre Bibliothèque nationale, notre Capitale nationale à Québec, et notre langue nationale ou commune ! Pour cela aussi que nous voulons enseigner dans nos écoles notre histoire “nationale” avant celte des autres. Et que beaucoup de nos associations portent le qualificatif de nationale.

            Du fait que les Communes ont reconnu qu'il y a plus qu'une nation au Canada, le gouvernement canadien devrait modifier les désignations qu'il fait de ses ministères et de ses politiques: ministères de la santé nationale ou de la défense nationale, normes nationales, hymne national etc. Ce n'est pas du bon français. Logiquement, on devrait dire ministère fédéral de la santé, ministère canadien de la défense, normes fédérales ou canadìennes.

            Comme tout groupe national, les Québécois pratiquent un certain nationalisme. Cela est normal et sain, surtout quand on vit entouré de voisins nombreux et volontiers dominateurs... Quant au mot nationalité, qu'on emploie encore pour citoyenneté, on devrait l'oublier puisqu'il porte à confusion. Ou l'utiliser par ex. pour dire que les francophones hors Québec sont de "nationalité" québécoise (par leur ascendance) et de citoyenneté canadienne.


                                   UN  ÉTAT, UN  PEUPLE, C'EST QUOI ?

            Parlons d'abord de l'État. Provenant du latin "status", le mot ÉTAT désigne une réalité juridique STABLE qui regroupe des gens (souvent d'origines nationales diverses) pour former, sur un territoire donné, une "entité politique" durable et reconnue comme telle par les autres États. Les membres d'un état sont des CITOYENS et ils forment tous ensemble un PEUPLE . Dans ce sens le Québec est bel et bien un État. Comme le Canada, qui est un état fédéral.  Ou comme les états américains ou les landers allemands. 

            On voit qu'au Québec, si on veut être clair, on gagnera à dire:

- les 7 000 000 de Québécois de souche et tous ceux qui se sont intégrés à eux culturellement et affectivement forment la nation québécoise;

- les 70 000 Amérindiens et Inuits forment onze petites nations qui se veulent distinctes de la nôtre; elles ont été «reconnues" par le gouvernement québécois en 1984, mais pas encore  par le fédéral;

- les 650 000 Anglo-Québécois se voient eux-mêmes, culturellement, comme un rameau de la nation "canadian" ; juridiquement, au Québec, ils sont reconnus comme des citoyens à part entière, comme une minorité historique par la loi 101 et comme une minorité de langue officielle par le fédéral;

- les 800 000 Néo-Québécois se répartissent en une soixantaine de groupes ethniques dont les membres sont en voie de s'intégrer soit à la nation québécoise, soit à la nation canadian; s'ils ne parlent ni français ni anglais, ils  sont des allophones; et s'ils ont obtenu la citoyenneté, ils ne sont plus des immigrants mais des citoyens;

- tous ces gens qui vivent au Québec forment le peuple québécois : c'est pourquoi on leur a reconnu le droit de voter au référendum. Ce geste posé par le gouvernement québécois (qui a été refusé ailleurs) prouve que nous sommes devenus une nation civique et une démocratie véritable.

- si on élargit la perspective, disons que tous ceux qui habitent le territoire du Canada et qui en sont des citoyens, forment le peuple canadien.

            Sans exagérer, on peut dire que le Canada compte 53 nations (la nôtre, l'acadienne, la canadienne anglaise et... les 50 autochtones). Son immense territoire a été développé, historiquement, par deux peuples majeurs ou fondateurs, qui devraient être reconnus comme égaux en droit.

            La nation “canadian” ne veut pas reconnaître ces faits.  C'est pour cela qu'elle a imposé au Québec la Constitution de 1982 au lieu d'accepter les demandes de René Lévesque pour un renouvellement de la fédération canadienne : la Souverainté-association.


                                 Et si on parlait de FÉDÉRALISME ?

            Venons-en aux mots fédération et confédération : au Canada, l'enflure verbale a dépassé les limites du bon sens.
           
            Succédant à l'Empire britannique, le gouvernement "fédéral" créé en 1867 par l'autorité impériale de Londres, est un enfant qui a dévoré ses parents, les provinces. Il n'a de fédéral que le nom; il s'agit bien plus d'une autorité impériale.

            Dans toute fédération véritable, ce sont les états constituants qui, en concluant librement un pacte (foedus, foederis), décident quels seront les pouvoirs dévolus à l'état fédéral qu'ils mettent au monde et combien d'argent il aura pour opérer. Au Canada, tout fut décidé d'en haut, aussi bien en 1867 qu'en 1931 et en 1982, de sorte que les états fédérés se retrouvent dans une véritable prison juridique, que Trudeau a pris soin de fermer à double tour pour mille ans.

            Le Canada n'est donc pas une fédération, encore moins une confédération (aIliance d'états souverains et qui le demeurent, comme en Suisse). Il est un pays unitaire qui s'ignore, qui se donne des airs de fédération décentralisée. C'est le pouvoir central qui décide de haut quels pouvoirs pourront être exercés par les provinces et de combien d'argent elles vont disposer...

            Le Québec, conquis en 1759 et jamais juridiquement libéré, en est un partenaire obligé. Il vit sous une constitution qu'il n'a pas acceptée : ce qui veut dire en termes clairs qu'il est encore une colonie, un pays occupé ! Occupé psychologiquement et juridiquement, même si aucun de nos leaders ne veut l'admettre. Au fin fond des choses, c'est cela qui nous permet d'aspirer à la souveraineté : parce que nous sommes dans une prison subtile mais fort réelle, nous avons avons le droit de recourir au "droit des peuples à disposer d'eux-mêmes"  reconnu par l'ONU.

            Le fédéralisme est une excellente chose quand on le pratique bien.  Mais il ne  peut pas du tout réussir au Canada pour deux bonnes raisons:

   1 - au Canada, il n'y a que deux partenaires nationaux majeurs : l'un des deux est nécessairement plus fort que l'autre; il conduit toutes les affaires communes en fonction de ses intérêts et le partenaire le moins fort est toujours défavorisé.., démocratiquement ! C'est ce qui se produit constamment dans l'ensemble canadien.  Dans les fédérations où il y a plusieurs partenaires, il y a en toujours un ou deux qui empêchent le plus gros d'écraser les petits;

   2 - au Canada, au surplus, un des deux partenaires ne reconnait pas encore, juridiquement, l'existence de l'autre collectivité : depuis 1867 et surtout  depuis Trudeau, le Canada anglais s'esquinte à nier l'existence de  l'autre partenaire. En prétendant qu'il y a dix provinces et des territoires...  Il nie celle qui était là avant lui et qui a commencé à bâtir l'ensemble canadien :  la nation québécoise... Comment conclure ou renouveler un “pacte" quand on se croit seul?

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